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Loi européenne contre la déforestation : Chronologie
La loi contre la déforestation est historique : adoptée en 2022, elle doit interdire de vendre en Europe des produits qui ont causé la destruction de forêts. Mais à l’approche de la date de son application, certaines industries essayent de la saboter.
Retour sur la campagne de Canopée pour obtenir et préserver une loi contre la déforestation. ✊
3 décembre 2024 – La loi est sauvée, mais reportée
Lors de la dernière négociation entre la Commission européenne, le Parlement et le Conseil (les Etats), les amendements votés au Parlement sont éliminés, le texte est donc sauf, mais la date d’application est cependant reportée d’un an.
Grâce à une pression constante durant les semaines suivant le vote, les amendements proposés par le PPE et adoptés par le Parlement européen ont finalement été rejetés durant la négociation finale entre Commission, Conseil et Parlement. C’est une grosse victoire !
Malheureusement, le report de la loi, lui, n’a pu être empêché. Et bien que cela ne soit pas contraignant légalement, la Commission européenne s’est aussi engagée à envisager une simplification de la loi en 2028.
Nous restons donc vigilants durant l’année à venir pour garantir que la loi s’applique bien au 30 décembre 2025, que les moyens nécessaires soient alloués pour garantir les contrôles nécessaires, et bien sûr pour qu’elle soit respectée.
14 novembre 2024 – Défaite au parlement, des amendements sont adoptés
Suite à un accord entre Renew (le centre) et le PPE (la droite), une partie des amendements est retirée, mais le reste est adopté, parfois à trois voix près.
3 modifications substantielles ont été adoptées par les députés :
- Une exemption pour les pays considérés comme à risque nul : les produits provenant de ces pays pourraient être mis sur le marché européen sans aucune information sur leur origine, et sans que les entreprises n’aient à s’assurer qu’ils apportent des garanties de non-déforestation, non dégradation des forêts et respect des droits humains.
- Un délai de 6 mois entre la mise à disposition par la Commission européenne des outils nécessaires à sa mise en œuvre et la date d’application de la loi.
- Le report d’un an de la date d’application, initialement prévue pour le 30 décembre prochain.
Selon les critères retenus, 134 pays seraient considérés à risque nul comme la Russie ou la Chine par exemple, dont les forêts disparaissent à rythme alarmant (respectivement 83 millions et 12 millions d’hectares déforestés depuis 2001) mais aussi la quasi-totalité des pays européens qui connaissent pourtant un important taux de dégradation forestière.
La création d’une catégorie de pays à risque nul crée un risque de « blanchiment » des produits. En effet, les entreprises étant exemptées de fournir les données sur l’origine de leurs produits, il suffira de faire transiter des marchandises provenant de zones à risque par des pays à risque nul pour échapper à la loi.
Mais ce n’est pas encore perdu. Un compromis doit maintenant être trouvé avec la position du Conseil et de la Commission européenne.
8 novembre 2024 – Les députés ne peuvent plus nous ignorer
Nous interpellons les députés européens jusque sur la façade du Parlement et dans leurs toilettes.
Pour que la proposition de report soit validée, elle doit être acceptée par les Etats membres et le Parlement. Or le Parti Populaire Européen (PPE), la droite, essayent de profiter du vote pour changer complètement le texte de la loi.
Les députés du groupe ont déposé 15 amendements à ce texte. Ils cherchent notamment à reporter la loi de deux ans, créer une exemption pour les pays européens et pour les acteurs intermédiaires comme la grande distribution.
Avec une dizaine de militants, nous interpellons les députés en recouvrant la façade du Parlement européen pour dire non au sabotage de la loi européenne contre la déforestation. Nous nous infiltrons aussi à l’intérieur du Parlement européen, et y remplaçons le papier toilettes par du papier arborant le même message « ne sabotez pas la loi contre la déforestation », nous collons des centaines d’autocollants, et distribuons des tracts aux députés.
2 octobre 2024 – La Commission européenne annonce vouloir reporter la loi d'un an
La Commission européenne cède à la pression des lobbies de l’industrie et de certains pays producteurs, et propose de reporter la date d’application de la loi.
Durant les deniers mois, nous avons assisté à un déferlement d’attaques publiques et de lobby contre la loi européenne contre la déforestation. Cette annonce de la Commission européenne d’un potentiel report de la loi fait suite à une pression sans précédent, exercée par un panel d’acteurs très large.
Ce lobby est avant tout venu de quelques industries liées à la déforestation comme celles du chocolat, de l’huile de palme, du bois, du papier, du café, etc. Des ministres de pays comme l’Indonésie, la Malaisie ou le Brésil ont bien sûr eux aussi critiqué la loi. Mais l’opposition la plus percutante est venue du sein même de l’Union européenne, et en particulier de l’Autriche. Le PPE, le parti de la droite européenne, a lui aussi activement œuvré pour cette annonce de report.
Leurs arguments sont divers : certains dénoncent un manque de clarté de la loi qui empêche les entreprises de se préparer, un temps imparti trop court, d’autres s’insurgent d’être concernés alors qu’ils ne représentent pas de risque de déforestation, et d’autres s’opposent globalement aux exigences environnementales.
Pour répondre à ces critiques, la Commission européenne a publié le 2 octobre dernier les éléments de guidance tant attendus… Mais elle a aussi annoncé proposer un report de la date d’application de la loi, initialement prévue pour le 30 décembre 2024.
23 septembre 2024 – Canopée prouve qu'il est possible de respecter la loi, en temps et en heure
Nous publions un rapport et organisons un séminaire qui montrent que la majorité des entreprises est prête pour l’application de la loi, au 30 décembre 2024.
À quelques mois de l’entrée en application de la loi européenne contre la déforestation, elle est attaquée de toutes parts. Canopée publie alors un état des lieux du niveau de durabilité des 22 principales entreprises soumises à ce règlement.
Ce rapport montre que de nombreux acteurs ont déjà atteint un haut niveau de garanties de non-déforestation, et sont proches de la conformité. Si certaines entreprises présentent un retard, il montre que de nombreux outils existent pour le combler.
Notre étude est publiée alors que la présidente de la Commission européenne, Von der Leyen, serait sur le point d’annoncer un report ou une réouverture du règlement européen contre la déforestation. Cela fait suite à la pression de quelques entreprises et ministres, dénonçant une absence de clarté sur certains éléments.
Notre rapport vient montrer que ces critiques sont infondées. Il montre :
- Que nombre d’entreprises ont déjà des niveaux de durabilité très hauts, et sont très proches de pouvoir se conformer à la loi.
- Que la filière de l’huile de palme est très avancée : 81% du volume étudié est zéro déforestation.
- Que le constat est assez inégal dans la filière cacao, avec 47% du volume étudié zéro déforestation, et des disparités fortes entre acteurs.
- Que la filière du soja affiche 51% du volume étudié comme zéro déforestation, mais un réel déficit de transparence et traçabilité.
- Qu’il est cependant tout à fait possible de se mettre en conformité, de nombreux outils existent et ne sont simplement pas utilisés par certains acteurs.
Ce rapport est appuyé par un séminaire que nous organisons le 23 septembre 2024 à la Sorbonne à Paris.
6 décembre 2022 – La loi européenne contre la déforestation est adoptée
Victoire ! La loi est adoptée, elle ne contient pas tout ce que nous espérions, mais elle reste ambitieuse.
La dernière étape pour définir le contenu de la loi est la phase de trilogue : le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen, et la Commission négocient pour tenter de trouver un compromis entre leurs trois positions.
C’est un moment un peu opaque, où très peu de personnes sont autorisées à être présentes. On dit de cette phase que « rien n’est décidé tant que tout n’est pas décidé.” En d’autres mots, tout peut se jouer jusqu’au dernier moment.
Et c’est ce qui s’est passé : une semaine avant la réunion finale la France n’avait toujours pas pris position pour la protection des terres boisées. Mais grâce à la pression des ONGs et une action de dernière minute, le ministre de l’Écologie a finalement annoncé son soutien. 6 autres pays suivent dont l’Allemagne, l’Espagne, les Pays Bas et la Belgique.
Mais malheureusement, cela n’a pas suffi à peser face à la Commission, et le texte final ne prévoit que la préservation des forêts, pas des savanes. Mais sur le reste, il est très ambitieux.
28 novembre 2022 – Canopée se mobilise devant le ministère de l'Écologie
À quelques jours de la fin des négociations nous interpellons le ministre de la Transition écologique pour qu’il défende une question clé dans cette loi : la protection des savanes arborées.
Il s’agit maintenant de trouver un compromis entre ces trois versions. Mais à une semaine de la dernière négociation de la loi, la France n’a toujours pas pris de position ferme pour que la protection des savanes arborées comme le Cerrado soit dans la loi.
Cette limitation du champ de la loi aurait des conséquences dramatiques : le soja représente 60% des importations de produits à risque de déforestation importés en Europe. Or c’est dans la savane du Cerrado au Brésil que se concentre cette déforestation. Cette région est une des plus riches en biodiversité, et est cruciale pour son rôle de puits de carbone. Elle a pourtant déjà disparu de moitié, au profit de l’agriculture.
Avec une vingtaine de militants nous entravons l’entrée du Ministère de la Transition Écologique avec des caisses représentant du soja issu de la déforestation.
Grâce à cette action, nous sommes reçus par la cheffe de cabinet et le conseiller diplomatique du ministre, et nous leur remettons une lettre signée par une vingtaine d’ONGs, scientifiques et entreprises demandant la garantie de l’arrêt des importations responsables de déforestation.
Le lendemain, nous recevons un coup de téléphone du ministère : la France a acté son soutien à la protection des savanes !
De juin à novembre 2022 – Les États et le Parlement européen se positionnent sur le texte
Avant que le texte ne soit voté, le Conseil de l’Union européenne prend position, suivi du Parlement européen.
C’est ensuite le Conseil de l’Union européenne (composé des Etats membres) qui adopte sa position sur le texte. Et elle est loin d’être à la hauteur. Au lieu de corriger les lacunes de la proposition de la Commission, ils en ont détricoté les quelques bons points. Comme la Commission, les pays ont aussi choisi de ne pas élargir le champ de la loi à d’autres écosystèmes que les forêts.
Mais ce n’est qu’une étape. C’est ensuite au tour du Parlement européen de se positionner. Avant d’être voté en plénière, le texte est discuté au sein de la commission environnement… est leur avis est plutôt bon ! Les amendements votés par les eurodéputés viennent corriger de nombreux points faibles du texte initial, notamment sur la protection des savanes.
Après le vote en commission, c’est au tour de l’ensemble des députés de se prononcer. Bonne nouvelle, ils ont soutenu les amendements votés en commission environnement. Conclusion : la version du texte votée par le Parlement comprend tous les éléments que nous attendions !
4 avril 2022 – Canopée dénonce le lobby de l'agro-industrie
Nous affichons le vrai visage des multinationales de soja qui font du lobbying pour essayer de saboter la loi.
En plein pendant les négociations sur la loi européenne contre la déforestation, les négociants de soja redoublent d’efforts de lobby pour saboter le texte. Nous venons rappeler leur vrai visage.
Le commerce mondial de soja est concentré dans les mains de quelques multinationales : Bunge, Cargill, ADM, Louis Dreyfus, Amaggi, et COFCO. A eux seuls ils représentent presque la moitié de la production mondiale.
Pour s’assurer de pouvoir continuer leurs pratiques délétères sans être inquiétés, ils s’organisent en lobbies, et s’attaquent directement aux lois. Ces organisations sont nombreuses. Parmi les principales on retrouve Abiove, Copa Cogeca, Cocereal, Fefac, ou Fediol. Rien que pour leurs activités de lobby auprès du Parlement européen, elles totalisent un budget de plus de 3 millions d’euros par an.
Nous publions un rapport qui démonte les beaux discours des négociants de soja : leurs engagements contre la déforestation au Brésil ne concernent que 61 municipalités (sur plus de 5500 !). Et même dans ces régions, la déforestation, au lieu de diminuer, continue d’augmenter. Il y a pourtant des solutions simples pour arrêter cette déforestation. Le blocage n’est pas technique, ce n’est qu’une question de volonté.
Pour dénoncer leurs pratiques et le greenwashing qu’ils essaient de mettre en place, nous recouvrons, avec 25 activistes, la fresque bucolique sur la façade de Cargill, un des négociants de soja les plus liés à la déforestation, par quelque chose de plus réaliste !
17 novembre 2021 – Un premier projet de loi contre la déforestation voit le jour
La Commission européenne dépose un projet de loi contre la déforestation liée à notre consommation.
Selon une étude de Pendrill et al (2020), la consommation européenne de produits agricoles a entraîné une déforestation d’environ 3,5 millions d’hectares entre 2005 et 2017. En proportion de son nombre d’habitants, l’Europe est ainsi le principal contributeur à la déforestation.
Le soja, importé pour alimenter les animaux d’élevage, est la principale matière première entraînant une pression sur les terres. Les impacts sont concentrés en Amérique du Sud, dans les grandes savanes arborées comme le Cerrado ou le Chaco. Les importations d’huile de soja comme biocarburant sont également en hausse depuis plusieurs années.
Les importations d’huile de palme sont aussi un puissant moteur d’une déforestation qui se concentre, pour l’instant, en Asie du Sud Est avec un risque de déplacement vers l’Afrique et le bassin du Congo. Les importations d’huile de palme comme biocarburant ont explosé depuis 2010 mais aujourd’hui, dans la foulée de la France, l’Europe est en train de refermer ce marché.
Pour tenter d’enrayer cette déforestation, de multiples initiatives ont vu le jour durant les dernières décennies, tant de la part des Etats que du secteur privé. De la déclaration de New York sur les forêts aux certifications et aux engagements “zéro déforestation” pris par les entreprises, toutes se sont avérées inefficaces. La volonté de l’Union européenne de légiférer pour mettre fin à cette déforestation importée est donc une excellente nouvelle.
L’adoption d’une loi européenne est un long parcours d’obstacles, jalonné de différentes étapes où le texte peut être renforcé ou, au contraire, affaibli par les lobbies.
La première étape : la Commission européenne propose un projet de loi. Ensuite, le Conseil de l’Union européenne (qui regroupe les ministres des Etats membres) et le Parlement européen amendent tous les deux le texte. Et à la fin, l’objectif est de négocier un compromis entre les différentes versions du texte.
Le projet de loi déposé par la Commission européenne marque un premier bon pas, et on y trouve quelques points importants comme l’exigence d’une traçabilité rigoureuse et la mention de l’importance de lutter contre la dégradation des forêts. Mais de nombreux aspects sont manquants : le périmètre de la loi n’intègre pas les savanes arborées, et rien n’est mentionné concernant la responsabilité des acteurs financiers. Notre analyse détaillée ici.