Analyses
« Bois du Chat » : Canopée saisit le tribunal pour obtenir le plan de gestion de la forêt
Malgré l’avis favorable de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) refuse de communiquer le nouveau plan de gestion du « Bois du Chat ». Canopée saisit le Tribunal Administratif de Bordeaux pour en obtenir l’accès.
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L’affaire du « Bois du Chat » : une illustration du besoin de transparence
En 2023, des coupes rases envisagées dans le « Bois du Chat », à Tarnac (Corrèze), au sein d’un site classé Natura 2000, ont suscité une forte opposition des habitants et des associations. Ces derniers dénonçaient le manque de concertation et l’impossibilité d’accéder au PSG et aux documents ayant conduit à son approbation par le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF).
Pour rappel, un PSG est un document obligatoire pour les forêts privées de plus de 20 hectares qui encadre la gestion forestière et doit être agréé par le CNPF qui a pour mission de s’assurer de sa conformité au Schéma Régional de Gestion Sylvicole (SRGS) qui fixe le cadre de gestion durable des forêts privées à l’échelle régionale au regard des spécificités du territoire.
Cette opacité a exacerbé les tensions et compromis un dialogue constructif, illustrant l’importance de rendre ces documents accessibles à la société civile.
Une évolution décisive de la doctrine de la CADA
Depuis 2010, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs estimait que les Plans Simples de Gestion n’étaient pas communicables, invoquant le secret des affaires et de la protection de la vie privée.
En 2020, elle a toutefois reconnu que la décision du Centre National de la Propriété Forestière agréant un PSG était communicable. Elle maintenait toutefois que le PSG lui-même ne pouvait pas être rendu public.
Un tournant décisif s’est produit grâce à un arrêt du Conseil d’État de 2022 affirmant que les documents de gestion de la forêt domaniale constituent des informations environnementales communicables. Cet arrêt est à l’origine d’une évolution majeure de la doctrine de la CADA qui, sur saisine du PNR de Millevaches, a affirmé qu’« un plan de gestion simple comporte, pour l’essentiel des informations relatives à l’environnement librement communicables » à l’exception des données personnelles et des informations protégées par le secret des affaires dans un avis du 14 novembre 2023.
Canopée avait également saisi la CADA dans l’affaire du « Bois du Chat » à la suite du refus du CNPF de lui communiquer le PSG et le dossier d’agrément au motif qu’un nouveau PSG avait été déposé et était en cours d’instruction.
Dans son avis du 21 novembre 2024, la CADA réaffirme que le PSG est communicable, mais précise que le dossier d’agrément et les avis émis lors de l’instruction du dossier par le CNPF le sont également. Elle rejette l’argument du CNPF selon lequel l’instruction d’un PSG justifierait de ne pas le communiquer. Pour la CADA, le PSG et le dossier d’agrément sont communicables même pendant la phase d’instruction.
Selon cet avis, toute personne pourrait désormais avoir accès au PSG et au dossier d’agrément pendant l’instruction, ce qui permettrait d’influencer la décision du CNPF et de saisir une juridiction pour la contester en cas d’illégalité.
Cette transparence permettrait aussi de mieux comprendre les conditions dans lesquelles les PSG sont agréés et ouvrirait la voie à un débat public sur la compatibilité des pratiques sylvicoles avec les impératifs écologiques et climatiques et avec la réglementation environnementale.
Un blocage persistant et un enjeu majeur pour la société civile
Malgré cet avis limpide, le CNPF de Nouvelle-Aquitaine refuse toujours de transmettre le PSG du « Bois du Chat », obligeant l’association Canopée, à l’instar du PNR de Millevaches, à saisir le Tribunal administratif de Bordeaux pour obtenir une injonction, l’avis de la CADA n’obligeant pas le CNPF à communiquer les documents sollicités.
Ce refus constitue une entrave au droit fondamental d’accès aux informations environnementales. En privant la société civile de ces données, on empêche tout contrôle des pratiques forestières et on facilite les coupes rases illicites.
Avec 75 % de forêts privées en France, les PSG sont des leviers essentiels pour encadrer la gestion forestière. La transparence des PSG est la clé pour que la société civile puisse être informée de la manière dont les forêts sont gérées, participer au débat public et prévenir les coupes illicites. Elle permettra aussi de renforcer la confiance des parties prenantes, de rationaliser le débat et d’éviter les incompréhensions. Elle pourrait même contribuer au développement d’une sylviculture durable encouragée par la volonté des propriétaires forestiers de préserver leur image.
Vers un accès simplifié aux PSG ?
Canopée obtient gain de cause devant le Tribunal administratif, cela marquera un tournant pour l’accès aux PSG. Le CNPF devra non seulement respecter l’avis de la CADA, mais pourrait aussi être incité à mettre ces documents en ligne. Le directeur de l’antenne de Nouvelle-Aquitaine avait d’ailleurs annoncé à Forestopic1 que le CNPF s’adapterait vite à cette nouvelle doctrine de la CADA. Cette avancée permettrait à toutes les parties prenantes d’accéder facilement aux informations sur la gestion forestière.
Dans cette attente, Canopée encourage fortement les citoyens à solliciter le plan simple de gestion de la forêt située près de chez eux auprès du CNPF sur le fondement de cet avis de la CADA afin de s’assurer de la légalité des travaux prévus dans le PSG.
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- Article de Forestopic, 16 janvier 2024 : « Le plan simple de gestion forestière désormais communicable au public. Quelles conséquences? »