Analyses
Proposition de loi transpartisane pour la forêt : analyse
Après plusieurs mois de travail, une proposition de loi portée par des députés de 5 partis politiques (le MoDem, le Parti Socialiste, La France Insoumise, Libertés et Territoires et Europe Ecologie Les Verts) a été présentée le mercredi 8 novembre 2023 à l’Assemblée nationale. Canopée a participé à l’élaboration des mesures proposées dans ce texte. Analyse
Les députés de 5 partis déposent une proposition de loi transpartisane
Le 8 novembre 2023, des députés de plusieurs partis ont présenté une proposition de loi. Cette proposition s’appuie sur les conclusions du rapport de la mission d’information parlementaire et sur les enseignements du séminaire organisé par Canopée. Cette proposition est notamment déposée par Catherine Couturier (LFI), Hubert Ott (MoDem), Chantal Jourdan (PS), Marie Pochon (EELV), Jean-Louis Bricout (LIOT).
13 articles pour sauver les forêts françaises
La proposition de loi comporte 13 articles :
- L’article 1 modifie les orientations générales de la politique forestière française. Ces orientations sont mentionnées dans l’article L. 121-1 du Code Forestier. Cet article serait modifié pour :
- Inscrire dans la loi l’obligation de maintenir ou d’augmenter le puits de carbone en forêt (la France s’y étant déjà engagée dans l’article 5 des Accords de Paris) ;
- Inscrire la préservation des sols forestiers comme un principe majeur de la politique forestière française ;
- Favoriser le développement des petites et moyennes scieries ;
- Lier le bénéfice des aides publiques à ces principes.
- L’article 2 favorise la sylviculture mélangée à couvert continu, aussi appelée sylviculture irrégulière. Il fixe deux objectifs :
- Atteindre un taux de 30% de forêts soumises à un plan de gestion gérées en sylviculture irrégulière le plus rapidement possible ;
- Atteindre un taux de 70% de forêts soumises à un plan de gestion gérées en sylviculture irrégulière en 2050.
- L’article 3 encadre les coupes rases. Il donne une définition d’une coupe rase (ce terme n’étant pas encore défini dans le code forestier) et pose plusieurs limites de taille pour les coupes rases en fonction des peuplements :
- Dans les forêts feuillues ou mélangées, les coupes rases de plus de 2 hectares seraient interdites.
- Dans les forêts feuillues ou mélangées dont la pente est supérieure à 30%, les coupes rases de plus de 0,5 hectares seraient interdites.
- Dans les forêts en monoculture plantées après l’entrée en vigueur de la loi, les coupes rases de plus de 4 hectares seraient interdites.
- Dans les forêts en monoculture plantées après l’entrée en vigueur de la loi, et dont la pente est supérieure à 30%, les coupes rases de plus de 2 hectares seraient interdites.
- Ces seuils ne s’appliquent pas en cas d’impasse sanitaire.
- Des conditions plus strictes seraient appliquées en dans les zones Natura 2000 et les Parcs Naturels Régionaux (PNR).
- L’article 4 pose l’obligation de diversifier les plantations :
- Sur les surfaces de moins de 4 hectares, une obligation de planter au moins deux essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ;Sur les surfaces de plus de 4 hectares, une obligation de planter au moins trois essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente)
- Sur les surfaces de moins de 4 hectares, une obligation de planter au moins deux essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente) ;
- Sur les surfaces de plus de 4 hectares, une obligation de planter au moins trois essences objectif présentant une complémentarité de traits fonctionnels (avec au moins 30% de l’essence la moins présente).
- L’article 5 interdit le déssouchage au delà d’un seuil arrêté par les préfets dans chaque département.
- L’article 6 renforce les pouvoirs du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et de l’Office National des Forêts (ONF) sur les plans de chasse pour lutter contre les difficultés de régénération de la forêt due à la surpopulation de gibier.
- L’article 7 interdit le nourrissage des animaux sauvages en forêt.
- L’article 8 rend transparents les documents de gestion forestière. Cet article reprend l’engagement pris par la France dans le cadre de la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, qui devait arriver à échéance en 2021.
- L’article 9 rend transparentes les autorisations de coupe. Elles devront être communiquées à chaque personne en faisant la demande.
- L’article 10 modifie la composition des conseils d’administration du Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) et des Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) en y intégrant les associations agréées de défense de l’environnement et l’Office Français de la Biodiversité.
- L’article 11 rend impossible pour une entreprise de cumuler les rôles de conseil en gestion forestière et de commercialisation du bois (ce qui est le cas aujourd’hui des grandes coopératives forestières comme Alliance Forêts Bois)
- L’article 12 renforce le droit de préemption des collectivités forestières pour l’achat de parcelles forestières. Elles seraient ainsi prioritaires pour acheter des parcelles forestières, ce qui permettrait à long terme d’augmenter la part de forêts publiques par rapport à la part de forêts privées.
- L’article 13 demande un budget pour la mise en œuvre de ces actions.
Cette loi a-t-elle une chance d’être adoptée ?
Pour pouvoir être adoptée, cette loi doit d’abord être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Pour pouvoir être inscrite à l’ordre du jour, une proposition de loi transpartisane devra bientôt (réforme en cours) être soutenue par les Présidents de deux partis politiques : un parti de la majorité gouvernementale (Renaissance, Horizons ou MoDem) et un autre parti.
Pour nous aider à convaincre le Président d’un parti de la majorité, vous pouvez signer cette pétition :
Une fois cette première étape franchie, Canopée fera tout son possible pour convaincre les députés puis les sénateurs pour que la loi puisse être adoptée et pour que ses principales mesures soient conservées.
Une autre proposition de loi en préparation en parallèle ?
Une seconde proposition de loi, probablement en cours de rédaction par Sophie Panonacle (Renaissance), pourrait également être déposée prochainement. Une récente tribune en ce sens en témoigne. Canopée ne connaît pas encore le contenu de cette proposition et rencontrera la députée prochainement.
De longs travaux préparatoires ont été menés
Le 21 septembre 2022, Canopée a organisé un séminaire de rentrée parlementaire à deux pas de l’Assemblée nationale pour attirer l’attention des députés sur les enjeux forestiers. Des députés de plusieurs bords politiques s’y étaient exprimés : Sandrine Le Feur (Renaissance), Mathilde Panot (La France Insoumise), Annie Genevard (Les Républicains), Chantal Jourdan (Parti Socialiste) et Marie Pochon (Europe Ecologie les Verts). Des experts scientifiques ainsi que des professionnels de la filière forêt-bois étaient intervenus pour demander aux 50 députés présents de faire évoluer la loi pour améliorer la gestion forestière française.
Cet événement a été le coup d’envoi pour un travail parlementaire de plusieurs mois pour aboutir à la rédaction de la proposition de loi.
Une mission d’information parlementaire pour creuser le sujet
Plusieurs députés ont pris l’initiative d’une mission d’information parlementaire sur l’adaptation de la politique forestière au changement climatique. Cette mission était présidée par Catherine Couturier, députée LFI de la Creuse, et Sophie Panonacle, députée Renaissance de Gironde, en était la rapporteur. Le rapport de fin de mission a été publié en mai 2023, après des mois d’auditions et de visites de terrain. Canopée a été auditionné dans le cadre de cette mission et publié une analyse de ce rapport. Le rapport propose :
- Une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les plans de gestion ;
- La mise en valeur de la sylviculture irrégulière, notamment par des incitations fiscales ;
- La redirection des aides qui vont au bois-énergie vers l’amont de la filière ;
- Une augmentation des effectifs de l’Office National des Forêts ;
- L’amélioration de la protection des sols forestiers dans les plans de gestion.
Ces points sont repris par la proposition de loi transpartisane déposée le 8 novembre 2023 et pourraient également être repris dans la proposition de loi en préparation par la majorité.
Sauvons la forêt française
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